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ma peine de penser qu’elle avait échappé à l’horrible destin qui lui semblait réservé. En pensant à cela, je fus presque sur le point d’entreprendre un massacre des impuissantes abominations qui couraient encore autour de moi, mais je me contins. Ce monticule, comme je l’ai dit, était une sorte d’îlot dans la forêt. De son sommet, je pouvais maintenant distinguer à travers une brume de fumée le Palais de Porcelaine Verte, ce qui me permit de retrouver ma direction vers le Sphinx Blanc. Alors, abandonnant le reste de ces âmes damnées qui se traînaient encore de-ci de-là en gémissant, je liai autour de mes pieds quelques touffes d’herbes et m’avançai, en boitant, à travers les cendres fumantes et parmi les troncs noirs qu’agitait encore une combustion intérieure, dans la direction de la cachette de ma Machine. Je marchais lentement, car j’étais presque épuisé, autant que boiteux, et je me sentais infiniment malheureux de l’horrible mort de la petite Weena. Sa perte me semblait une accablante calamité. En ce moment, dans cette pièce familière, ce me paraît être beaucoup plus le regret qui reste d’un rêve qu’une perte véritable. Mais ce matin-là, cette mort me laissait de nouveau absolument seul — terriblement seul. Le souvenir me revint de cette maison, de ce coin de feu, de quelques-uns d’entre vous, et avec ces pensées m’envahit le désir de tout cela, un désir qui était une souffrance.

« Mais, en avançant sur les cendres fumantes, sous le ciel brillant du matin, je fis une découverte. Dans la poche de mon pantalon, il y avait encore quelques allumettes qui avaient dû s’échapper de la boîte avant que les Morlocks ne la prissent.