Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à mon habit, puis quelque chose à mon bras ; Weena frissonna violemment et devint complètement immobile.

« C’était le moment de craquer une allumette. Mais pour cela il me fallut poser Weena à terre. Tandis que je fouillais dans ma poche, une lutte s’engagea dans les ténèbres à mes genoux, Weena absolument silencieuse et les Morlocks roucoulant de leur singulière façon, et de petites mains molles tâtaient mes habits et mon dos, allant même jusqu’à mon cou. Alors je grattai l’allumette qui s’enflamma en crépitant. Je la levai en l’air et vis les dos livides des Morlocks qui s’enfuyaient parmi les troncs. Je pris en hâte un morceau de camphre et me tins prêt à l’enflammer dès que l’allumette serait sur le point de s’éteindre. Puis j’examinai Weena. Elle était étendue, étreignant mes jambes, inanimée et la face contre le sol. Pris d’une terreur soudaine, je me penchai vers elle. Elle respirait à peine ; j’allurriai le morceau de camphre et le posai à terre ; tandis qu’il éclatait et flambait, éloignant les Morlocks et les ténèbres, je m’agenouillai et soulevai Weena. Derrière moi, le bois semblait plein de l’agitation et du murmure d’une troupe nombreuse.

« Weena paraissait évanouie. Je la mis doucement sur mon épaule et me relevai pour partir, mais l’horrible réalité m’apparut. En m’occupant des allumettes et de Weena, j’avais tourné plusieurs fois sur moi-même et je n’avais plus maintenant la moindre idée de la direction que je devais suivre. Tout ce que je pus savoir, c’est que probablement je faisais face au Palais de Porcelaine Verte. Une sueur froide m’envahit. Il me fallait