Page:Mercure de France - 1899 - Tome 29.djvu/100

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mes récentes découvertes. Jusque-là, je m’étais simplement cru retardé par la puérile simplicité des Eloïs et par quelque force inconnue que je n’avais qu’à comprendre pour la surmonter ; mais un élément entièrement nouveau intervenait avec l’écœurante espèce des Morlocks — quelque chose d’inhumain et de méchant. J’éprouvais pour eux une haine instinctive. Auparavant, j’avais ressenti ce que ressentirait un homme qui serait tombé dans un gouffre : ma seule affaire était le gouffre et le moyen d’en sortir. Maintenant je me sentais comme une bête dans une trappe, avec l’appréhension d’un ennemi qui doit survenir bientôt.

« L’ennemi que je redoutais peut vous surprendre. C’était l’obscurité de la nouvelle lune. Weena m’avait mis cela en tête, par quelques remarques, d’abord incompréhensibles à propos de nuits obscures. Ce n’était plus maintenant un problème bien difficile à résoudre : ce que signifiait la venue des nuits obscures. La lune était à son déclin ; chaque jour l’intervalle d’obscurité était plus long. Et je compris alors, jusqu’à un certain point au moins, la raison pour laquelle les petits habitants du monde supérieur redoutaient les ténèbres. Je me demandai vaguement à quelles odieuses atrocités les Morlocks se livraient pendant la nouvelle lune.

« J’étais maintenant à peu près certain que ma seconde hypothèse était entièrement fausse. Les habitants du monde supérieur pouvaient bien avoir été autrefois une aristocratie privilégiée, et les Morlocks leurs serviteurs mécaniques, mais tout cela avait depuis longtemps disparu. Les deux espèces qui avaient résulté de l’évolution humaine