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Mallarmé n’était point seulement dans l’agrément qu’il savait leur donner par le tour délicieux et l’art exquis de sa causerie. Certes, il était minutieux et profond, inattendu et subtil, logique et paradoxal ! Mais outre ce premier plaisir superficiel, on ressentait une émotion plus Secrète et plus mystérieuse. Rien ne pouvait distraire Stéphane Mallarmé du monologue intérieur de sa pensée, il y retournait par des détours imprévus et des labyrinthes compliqués ; il en revenait toujours à lui-même, et, si on peut dire ; il se continuait tout haut. Alors, l’entendre parler, citait l’entendre travailler, assister un instant à sa recherche de la vérité. Il voulut trouver le sens de tout, la signification universelle, être le Poète de la Connaissance.

C’est à cette recherche que sa parole nous faisait participer et dont elle flous laissait entrevoir le résultat. Une œuvre devait le fixer à laquelle le maître faisait fréquemment allusion. Cette œuvre, dont on suivait d’année en année la préparation continuelle quoique secrète, existe-t-elle ou la Mort, du vent de son aile néfaste, vient-elle d’en disperser en désordre les notes innombrables, les feuillets précieux et inachevés ?

Nous le saurons, hélas ! mais, quoi qu’il arrive, notre crainte est rassurée en partie. Stéphane Mallarmé nous a livré, par avance et à défaut du monument définitif, ce qu’on en pourrait appeler des indices admirables dans ses poèmes et ses essais. Ce sont les indéniables fragments d’une dès plus extraordinaires structures mentales qui fut jamais. Nous y trouvons, de ce vaste esprit, l’étalon, sinon, la mesure. Nous en voyons les courbes les plus significatives et les angles les