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aurons connu par lui un sage et un héros. Il était, vénéré de tous ceux qui croient encore que la dignité humaine est dans la méditation et la solitude. Il représentait à nos yeux le Poète, et c’est dans cette attitude qu’il reste debout dans nos mémoires.

Souvenez-vous. Sa bonté supérieure condescendit à tous. Personne ne mit jamais plus de grâce et de politesse à accueillir les amitiés qui venaient à lui et qu’il faisait siennes avec une fidélité exacte et scrupuleuse. Le respect pour son œuvre et son caractère lui attira, il y a quinze ans, l’hommage de la jeunesse d’alors. Son influence fut considérable, diverse et féconde par cela même qu’on n’apprenait de lui que le devoir de chacun envers soi. On admirait un homme si hautement désintéressé de toutes les petitesses, voué entièrement à une recherche si nouvelle, si hardie et si difficile, qu’elle est, je crois, sans seconde dans aucune littérature. Stéphane Mallarmé était à part dans la nôtre. Il avait tracé autour de lui un cercle magique où il accomplissait les rites de sa mystérieuse incantation. Ceux mêmes qui résistèrent plus ou moins à l’attrait de ses écrits restèrent liés par le charme de sa parole. J’en appelle à ses auditeurs de tous les temps, aux amis de sa jeunesse comme à ceux qui n’accédèrent que plus tard à la précieuse intimité de ses propos. L’impression que laissa Stéphane Mallarmé à ces interlocuteurs habituels où passagers fut unique. Cette voix qui s’est tue à jamais disait des choses charmantes et des mots éternels.

L’intérêt passionnant des entretiens de Stéphane