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étranges d’un gris rougeâtre, et aussi qu’il portait tombant sur les épaules une longue chevelure blonde. Mais, comme je l’ai dit, il allait trop vite pour que je pusse voir distinctement. Je ne peux même pas dire s’il courait à quatre pattes ou seulement en tenant ses membres supérieurs très bas. Après un moment d’arrêt, je le suivis dans le second monceau de ruines. Je ne pus d’abord le trouver — mais après m’être habitué à l’obscurité profonde, je découvris, à demi obstruée par un pilier renversé, une de ces ouvertures rondes en forme de puits dont je vous ai dit déjà quelques mots. Une pensée soudaine me vint. Est-ce que mon animal avait disparu par ce chemin ? Je craquai une allumette et me penchant au-dessus du puits je vis s’agiter une petite créature blanche qui, en se retirant, me regardait fixement de ses larges yeux brillants. Cela me fit frissonner. Cet être avait tellement l’air d’une araignée humaine ! Il descendait au long de la paroi et je vis alors, pour la première fois, une série de barreaux et de poignées de métal qui formaient une sorte d’échelle s’enfonçant dans le puits. À ce moment l’allumette me brûla les doigts, je la lâchai et elle s’éteignit en tombant ; lorsque j’en eus allumé une autre, le petit monstre avait disparu.

« Je ne sais pas combien de temps je restai à regarder dans ce puits. Il me fallut un certain temps pour réussir à me persuader que ce que j’avais vu était quelque chose d’humain. Graduellement la vérité se fit jour : l’Homme n’était pas resté une espèce unique mais il s’était différencié en deux animaux distincts ; je devinai que les gracieux enfants du monde supérieur n’étaient pas les seuls descendants de notre génération, mais que cet être blême, immonde, ténébreux, que j’avais aperçu, était aussi l’héritier des âges antérieurs.