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monta, répandit une fois de plus ses couleurs éclatantes sur le monde, et je scrutai anxieusement les alentours. Mais je ne vis aucun vestige de mes formes blanches. C’étaient simplement des apparences du demi-jour. — Si ces formes étaient des esprits, me disais-je, je me demande quel pourrait bien être leur âge. — Car une théorie fantaisiste de Grant Allen me vint à l’esprit et m’amusa. Si chaque génération qui meurt, argumente-t-il, laisse des esprits, le monde en sera finalement surencombré. D’après cela, leur nombre eût été incalculable dans environ huit cent mille ans d’ici, et il n’eût pas été surprenant d’en voir quatre à la fois. Mais la plaisanterie n’était pas convaincante et je ne fis que penser à ces formes toute la matinée, jusqu’à ce que l’arrivée de Weena eût chassé ces préoccupations. Je les associais d’une façon vague à l’animal blanc que j’avais vu s’enfuir lors de ma première recherche de la Machine. Mais Weena fut une diversion agréable. Pourtant, ils devaient bientôt prendre tout de même une bien plus entière possession de mon esprit.

« Je crois vous avoir dit combien plus élevée que la nôtre était la température de cet heureux âge. Je ne puis m’en expliquer la cause. Peut-être le soleil était-il plus chaud, ou la terre plus près du soleil. On admet ordinairement que le soleil doit se refroidir et s’éteindre rapidement. Mais, peu familiers avec des spéculations telles que celles de Darwin le jeune, nous oublions que les planètes doivent finalement retourner l’une après l’autre à la masse, source de leur existence. À mesure que se produiront ces catastrophes, le soleil s’enflammera et rayonnera avec une énergie nouvelle ; il se pouvait que quelque planète eût subi ce sort. Quelle qu’en soit la raison, il est certain que le soleil était beaucoup plus chaud qu’il ne l’est actuellement.