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du téléphone et du télégraphe, des colis-postaux, des mandats-poste et autres choses de ce genre ? Et cependant nous, du moins, lui expliquerions volontiers tout cela ! Et même de ce qu’il saurait bien, que ferait-il croire ou concevoir à son ami qui serait resté ? Et puis, songez combien peu de différence il y a entre un nègre et un blanc de notre époque, et quel immense intervalle me séparait des gens de cet âge heureux ! J’avais conscience d’une foule de différences qui ne se voyaient pas et qui contribuaient à mon soulagement ; mais pour autre chose que l’impression d’organisation automatique, je crains de ne pas vous faire suffisamment saisir la différence.

« Pour ce qui est des sépultures, par exemple, je ne pouvais voir aucun signe de crémation, ni rien qui puisse faire penser à des tombes ; mais il me vint à l’idée qu’il pouvait possiblement exister des cimetières ou des fours crématoires quelque part, au delà de mon champ d’explorations. Ce fut là une question que je me posai délibérément et sur ce point ma curiosité fut absolument mise en déroute. La chose m’embarrassait et je fus amené à faire une remarque ultérieure qui m’embarrassa encore plus ; c’est qu’il n’y avait parmi ces gens aucun individu âgé où infirme.

« Je dois avouer que la satisfaction que j’avais de ma première théorie d’une civilisation automatique et d’une humanité en décadence, ne dura pas longtemps. Cependant, je n’en pouvais concevoir d’autre. Laissez-moi vous exposer mes difficultés. Les divers grands palais que j’avais explorés n’étaient que de simples résidences, de grandes salles à manger et d’immenses dortoirs. Je ne pus trouver ni machines, ni matériel d’aucune sorte. Pourtant ces gens étaient vêtus de beaux tissus qu’il était besoin de renouveler de temps à autre, et leurs sandales, quoique sans ornements, étaient