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tes. Mais dans tous j’entendis un certain son : un bruit sourd, par intervalles, comme les battements d’une énorme machine ; et d’après la direction de la flamme de mes allumettes, je découvris qu’un courant d’air régulier était établi dans les puits. En outre, je jetai dans l’orifice de l’un d’eux une feuille de papier, et au lieu de descendre lentement en voltigeant elle fut immédiatement aspirée et je la perdis de vue.

« En peu de temps, j’en vins à établir un rapport entre ces puits et de hautes tours qui s’élevaient çà et là sur les pentes ; car il y avait souvent au-dessus d’elles ce même tremblotement d’air que l’on voit par une journée très chaude au-dessus d’une grève brûlée de soleil. — En rassemblant ces observations, j’arrivai à la forte présomption d’un système de ventilation souterraine, dont il m’était difficile d’imaginer le but véritable. Je fus incliné d’abord à l’associer à l’organisation sanitaire de ce monde. C’était une conclusion qui tombait sous les sens, mais elle était absolument fausse.

« Il me faut admettre ici que je n’appris que fort peu de choses des égouts, des horloges, des moyens de transport et autres commodités, pendant mon séjour dans cet avenir réel. Dans quelques-unes des visions d’Utopie et des temps à venir que j’ai lues, il y a des quantités de détails sur la construction, les arrangements sociaux, et ainsi de suite. Mais ces détails qui sont assez faciles à obtenir quand le monde entier est contenu dans votre seule imagination, sont absolument inaccessibles à un véritable voyageur, surtout parmi la réalité telle que je la rencontrai là. Imaginez-vous ce qu’un nègre arrivant de l’Afrique centrale raconterait de Londres ou de Paris à son retour dans sa tribu ! Que saurait-il des compagnies de chemins de fer, des mouvements sociaux,