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adaptée à nos besoins. Nous les améliorons graduellement, parce que nos vues sont vagues et hésitantes et notre connaissance des choses très limitée ; parce qu’aussi la Nature est timide et lente dans nos mains malhabiles. Quelque jour tout cela sera de mieux en mieux. Telle est l’impulsion du courant en dépit des reflux. Le monde entier sera intelligent, instruit et coopérant ; toutes choses iront de plus en plus rapidement vers la subjugation de la Nature. À la fin, sagement et soigneusement nous réajusterons l’équilibre de la vie animale et de la vie végétale pour qu’elles s’adaptent à nos besoins humains.

« Ce réajustement, me disais-je, doit avoir été fait et bien fait : fait, à vrai dire, une fois pour toutes, dans l’espace de temps à travers lequel ma machine avait bondi. Dans l’air, ni moucherons, ni moustiques ; sur le sol, ni mauvaises herbes, ni fongosités ; partout des papillons brillants voltigeaient de-ci de-là. L’idéal de la médecine préventive était atteint. Les maladies avaient été exterminées. Je ne vis aucun indice de maladie contagieuse quelconque pendant tout mon séjour. Et j’aurai à vous dire plus tard que même chaque processus de putréfaction et de corruption avait été profondément affecté par ces changements.

« Des triomphes sociaux avaient été obtenus. Je voyais l’humanité hébergée en de splendides asiles, somptueusement vêtue, et jusqu’ici je n’avais trouvé personne occupé à un labeur quelconque. Nul signe nulle part de lutte, de contestation sociale ou économique. La boutique, la réclame, le trafic, tout le commerce qui constitue la vie de notre monde n’existait plus. Il était naturel que par cette soirée resplendissante je saisisse avec empressement l’idée d’un paradis social. La difficulté que crée l’accroissement trop rapide de la popula-