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cher pour eux une interprétation et voici, sous la forme qu’elle prit ce soir-là, quel fut le sens de mon interprétation. Par la suite je trouvai que je n’avais trouvé qu’une demi vérité et n’avais même entrevu qu’une facette de la vérité.

« Je croyais être parvenu à l’époque du déclin du monde. Le crépuscule rougeâtre m’évoqua le crépuscule de l’humanité. Pour la première fois, je commençai à concevoir une conséquence bizarre de l’effort social où nous sommes à présent engagés. Et cependant remarquez-le, c’est une conséquence assez logique. La force est le produit de la nécessité : la sécurité entretient et encourage la faiblesse. L’œuvre d’amélioration des conditions de l’existence — le vrai progrès civilisant qui fait de plus en plus la vie assurée et en diminue l’inquiétude — avait suivi sa gradation persistante. Les triomphes de l’humanité unie sur la nature s’étaient succédé sans cesse. Des choses, qui maintenant ne sont que des rêves, étaient devenues des projets délibérément mis à exécution. Et ce que je voyais en était les fruits !

« Après tout, l’activité d’aujourd’hui, les conditions sanitaires et l’agriculture, en sont encore à l’âge rudimentaire. La science de notre époque ne s’est attaquée qu’à une très minime division du champ des maladies humaines, mais malgré cela, elle étend ses opérations d’une allure ferme et persistante. Notre agriculture et notre horticulture détruisent à peine une mauvaise herbe ici et là, et cultivent peut-être une vingtaine de plantes saines environ, laissant le plus grand nombre s’équilibrer comme elles peuvent. Nous améliorons nos plantes et nos animaux favoris — et combien peu en avons-nous ! — par des choix et des élevages ; tantôt une pêche nouvelle et meilleure, tantôt une grappe sans pépins, tantôt une fleur plus belle et plus parfumée, tantôt une espèce de bétail plus