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plus éclairée que par les chaudes rougeurs du soleil couchant. Toutes choses me paraissaient bien confuses. Tout était si différent du monde que je connaissais — même les fleurs. Le grand édifice que je venais de quitter était situé sur la pente qui descendait à un large fleuve ; mais la Tamise s’était transportée à environ un mille de sa position actuelle. Je résolus de gravir, à un mille et demi de là, le sommet de la colline, d’où je pourrais jeter un coup d’œil plus étendu sur cette partie de notre planète en l’an de grâce huit cent deux mille sept cent un, car telle était, comme j’aurais dû le dire déjà, la date qu’indiquaient les petits cadrans de ma machine.

« En avançant, j’étais attentif à toute impression qui eût pu, en quelque façon, m’expliquer la condition de splendeur ruinée dans laquelle je trouvais le monde — car tout avait l’apparence de ruines. Par exemple, il y avait à peu de distance, en montant la colline, un amas de blocs de granit, reliés par des masses d’aluminium, un vaste labyrinthe de murs à pic et d’entassements écroulés, parmi lesquels croissaient d’épais buissons de très belles plantes en forme de pagode — des orties, semblait-il, — mais au feuillage merveilleusement teinté de brun, et ne pouvant piquer. C’étaient évidemment les restes abandonnés de quelque vaste construction, élevée dans un but que je ne pouvais déterminer. C’était là que je devais avoir un peu plus tard une bien étrange expérience — premier indice d’une découverte encore plus étrange — mais je vous entretiendrai de cela au bon moment.

« D’une terrasse où je me reposai un moment, je regardai dans toutes les directions, à une soudaine pensée qui m’était venue, et je n’aperçus nulle part de petites habitations. Apparemment, la maison familiale et peut-être même la famille