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— Oui ! dit-il, la bouche pleine et en secouant la tête.

— Je donne un shilling la ligne pour un compte rendu in extenso, dit le Rédacteur en chef.

L’Explorateur poussa son verre du côté de l’Homme silencieux, et le fit tinter d’un coup d’ongle ; sur ce, l’Homme silencieux, qui le fixait avec ébahissement, sursauta convulsivement et lui versa du vin. Le dîner s’acheva dans un malaise général. Pour ma part, de soudaines questions me venaient incessamment aux lèvres et je suis sûr qu’il en était de même pour les autres. Le journaliste essaya de diminuer la tension des esprits en contant des anecdotes. Notre ami donnait toute son attention à son dîner et semblait avoir l’appétit d’un affamé. Le Docteur fumait une cigarette et considérait l’Explorateur à travers ses paupières demi-closes. L’Homme silencieux semblait encore plus gauche que d’habitude et vidait sa coupe de champagne avec une régularité et une détermination purement nerveuses. Enfin notre hôte repoussa son assiette, et nous regarda.

— Il me faut vous faire des excuses, dit-il. Je mourais tout bonnement de faim. Mais j’ai passé quelques moments bien surprenants.

Il atteignit un cigare dont il coupa le bout.

— Mais venez au fumoir. C’est une histoire trop longue pour la raconter au milieu de vaisselle sale. Puis il sonna en se levant et nous conduisit dans la chambre attenante.

— Vous avez parlé de la Machine à Blank et aux autres ? me dit-il, en se renversant dans son fauteuil.

— Mais la chose n’est qu’un simple paradoxe ! dit le Rédacteur en chef.

— Je ne puis pas discuter ce soir. Je veux bien vous raconter l’histoire, mais pas la discuter. Je vais, continua-t-il, vous faire le récit de ce qui