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gard de ceux en proie à une intense souffrance. Il hésita un instant, ébloui sans doute par la clarté. Puis il entra en boitant tout comme eût fait un vagabond aux pieds endoloris. Nous le regardions en silence, attendant qu’il parlât.

Il n’ouvrit pas la bouche, mais s’avança péniblement jusqu’à la table, et fit un mouvement pour atteindre le vin. Le Rédacteur en chef remplit un verre de champagne et le lui présenta. Il le vida d’un trait et il parut se sentir mieux, car son regard parcourut la table et l’ombre de son sourire habituel erra sur ses lèvres.

— Que diable avez-vous bien pu faire ? dit le Docteur. L’Explorateur du Temps ne sembla pas entendre.

— Que je ne vous interrompe pas, surtout, dit-il d’une voix mal assurée, je suis très bien.

Il s’arrêta, tendit son verre pour qu’on le remplît et le vida d’un seul long trait.

— Cela fait du bien ! dit-il.

Ses yeux s’éclairèrent et une rougeur légère lui vint aux joues. Son regard parcourut rapidement nos visages avec une sorte de morne approbation et fit ensuite le tour de la salle chaude et confortable. Puis de nouveau il parla, comme s’il cherchait encore son chemin à travers ses mots.

— Je vais me laver et me changer, puis je redescendrai et vous donnerai les explications promises… Gardez-moi quelques tranches de mouton. Je meurs littéralement de faim.

Il reconnut tout à coup le Rédacteur en chef qui était un convive assez rare, et lui souhaita la bienvenue. Le Rédacteur commença une question.

— Je vous répondrai tout à l’heure, dit l’Explorateur du Temps. Je me sens un peu… drôle. Ça ira très bien dans un moment.

Il reposa son verre, et se dirigea vers la porte de l’escalier. Je remarquai à nouveau qu’il boitait et