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heures s’il n’est pas là. Il ajoute qu’il expliquera son retard quand il rentrera.

— En effet, c’est pitoyable de laisser gâter le dîner, dit le rédacteur en chef d’un journal quotidien bien connu ; et là-dessus, le Docteur sonna.

Le Psychologue, le Docteur et moi étions les seuls qui avions assisté au précédent dîner. Les autres étaient Blank, le directeur de journal déjà mentionné, un certain journaliste et un autre personnage — tranquille, timide et barbu, — que je ne connaissais pas et qui, autant que je pus l’observer, ne desserra pas les dents de toute la soirée. On fit à table maintes conjectures sur l’absence du maître de la maison, et par manière de plaisanterie je suggérai qu’il explorait peut-être sa quatrième dimension. Le Rédacteur en chef demanda l’explication de la chose, et le Psychologue lui fit de bonne grâce un rapide récit du paradoxal et ingénieux subterfuge dont il avait été témoin huit jours auparavant. Au milieu de son explication, la porte du corridor s’ouvrit lentement et sans bruit. J’étais assis face à la porte et, le premier, je la vis s’ouvrir.

— Eh ! bien, tout de même ! m’écriai-je.

La porte s’ouvrit plus grande et l’Explorateur du Temps était devant nous. Je poussai un cri de surprise.

— Grand Dieu ! mais qu’arrive-t-il ? demanda le Docteur qui l’aperçut ensuite. Et tous les convives se tournèrent vers la porte.

Notre ami était dans un état surprenant. Son vêtement était poussiéreux et sale, souillé de taches verdâtres aux manches ; sa chevelure était emmêlée et elle me sembla plus grise — soit à cause de la poussière, soit que sa couleur ait en réalité changé. Son visage était affreusement pâle. Il avait une profonde coupure au menton — une coupure à demi refermée. Il avait les traits tirés et l’air ha-