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imité le Docteur, il continua : — Il vous faut maintenant comprendre nettement que ce levier, si on appuie dessus, envoie la machine glisser dans le futur et cet autre renverse le mouvement. Cette selle représente le siège de l’explorateur du temps. Tout à l’heure, je presserai le levier et la machine partira. Elle s’évanouira, passera dans les temps futurs et ne reparaîtra plus. Regardez-la bien. Examinez aussi la table et rendez-vous compte qu’il n’y a ici aucune supercherie. Je n’ai pas envie de perdre ce modèle et m’entendre dire ensuite que je suis un charlatan.

Il y eut un silence d’une minute peut-être. Le Psychologue fut sur le point de me parler, mais il se ravisa. Alors l’Explorateur du Temps avança son doigt vers le levier.

— Non, dit-il tout à coup. Donnez-moi votre main.

Et se tournant vers le Psychologue, il lui prit la main et lui dit d’étendre l’index. De sorte que ce fut le Psychologue qui, lui-même, mit en route pour son interminable voyage le modèle de la Machine du Temps. Tous nous vîmes le levier s’abaisser. Je suis absolument sûr qu’il n’y eut aucun artifice. On entendit un petit sifflement et la flamme de la lampe fila. Une des bougies de la cheminée fut éteinte et la petite machine tout à coup oscilla, tourna sur elle-même, devint indistincte, fut perçue comme un fantôme pendant une seconde peut-être, comme un tourbillon de cuivre scintillant faiblement, puis elle disparût… Sur la table il ne restait plus que la lampe.

Pendant un moment chacun resta silencieux. Puis Tilby déclara qu’il était damné.

Le Psychologue revint de sa stupeur, et tout à coup regarda sous la table. À cela, l’Explorateur du Temps éclata de rire gaiement.

— Eh bien ? dit-il du même ton interrogatif