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nous admirions son ardeur et son abondance d’idées pour soutenir ce que nous croyions alors un de ses nouveaux paradoxes.

— Suivez-moi bien soigneusement. Il va me falloir discuter une ou deux idées qui sont universellement acceptées. Ainsi, par exemple, la géométrie qu’on vous a enseignée dans vos classes est fondée sur un malentendu.

— Est-ce que ce n’est pas là entrer en matière avec une bien grosse question ? demanda Filby, personnage argumentatif à la chevelure rousse.

— Je n’ai pas l’intention de vous demander d’accepter quoi que ce soit sans cause raisonnable. Vous admettrez bientôt tout ce que je veux de vous. Vous savez, n’est-ce pas, qu’une ligne mathématique, une ligne de dimension nulle, n’a pas d’existence réelle. On vous a enseigné cela ? De même pour un plan mathématique. Ces choses sont de simples abstractions.

— C’est parfait, dit le Psychologue.

— De même, un cube, n’ayant que longueur, largeur et épaisseur, peut-il avoir une telle existence ?

— Ici, j’objecte, dit Filby ; certes, un corps solide existe. Toutes choses réelles…

— C’est ce que croient la plupart des gens. Mais, attendez un peu. Est-ce qu’il peut exister un cube instantané ?

— Je n’y suis pas, dit Filby.

— Est-ce qu’un cube peut avoir une existence réelle sans durer pendant un espace de temps quelconque ?

Filby devint pensif.

— Clairement, continua l’Explorateur du Temps, tout corps réel doit s’étendre dans quatre directions. Il doit avoir Longueur, Largeur, Épaisseur, et… Durée. Mais par une infirmité naturelle de la chair, que je vous expliquerai dans