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Sonnet adressé à M. Mallarmé la jovr ov il evt cinqvante ans

Cinquante heures de nuit préparatoire, ô Maître !
Demain s’éblouiront d’aurore et nous saurons
A l’ombre magistrale errante sur nos fronts
Qu’on a vu sourdre l’or et la lumière naître.

Eux aussi vont jurer que pas un ne fut traître
Au doigt qui désignait l’aube rouge des troncs.
Le jour croît ; Vous verrez tous les mauvais larrons,

Ils donneront à qui méprisa leur troupeau
La gloire qu’ils rêvaient de pourpre sur leur peau
Et les lauriers d’argent priqués aux fers de lance ;

Mais nous n’entendrons, pas ces voix soûles de bruit,
Car nous aurons coupé pour le plus pur silence
Sous vos pieds créateurs les roses de la nuit.

17 mars 1893.
Pierre Louys.