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MERCVRE DE FRANCE

Mais il ne dit mot, de peur d’outrepasser sa pensee.

Le Mufle reculait, la pointe de sa coquille la première, faisant ranger les gens ; et ses pinces michonnaient comme des bouches qui bredouillent. La lame surgie étincelante du fourreau de peau de céraste, s’ébrechait même sur les poils de la carapace des membres.

Alors Faustroll mit en œuvre l’as. Tirant avec plus de violence ses guides il courba plus sensiblement l’as ; car sa barre ne commandait point un gouvernail plat à l’arrière, mais cintrait, depuis l’avant, la longue quille à droite, à gauche, en haut, en bas, selon sa volonté d’aller : et la toile de cuivre étroit fut comme le rougeoiement d’un croissant ; et moi happant de mes ventouses le hasard terse du granit, le docteur me conduisit au monstre. Et à l’entour notre navigation se contourna comme l’anneau nuptial du baiser de Narcisse d’un amphisbène.

Le prêtre Jean joignit par cet artifice aisément le Mufle, qui avait acquis quelque avance pendant que son adversaire descendait ses douze marches, vers son niveau ; l’aveignit de la coquille avec a poignée fourchue de l’épée, et lui partagea le fondement en autant de parts qu’il y avait de personnes présentes dans la nef ; mais ni lui-même ni nous, sauf Bosse-de-Nage, n’y voulûmes goûter.

Et le combat aurait été en toutes ses péripéties l’image d’une course espagnole, si le taureau Cul-de-Coquille n’avait cherché l’estocade au bout de sa fuite circulaire et non de franc heurt.

Or le prédicateur gemmé remonta en chaire, pour sa péroraison. Et les ouailles purgées de l’humeur crasse de la possession du Mufle, lui applaudirent.

Quant à nous, nous repartîmes vers les proches cloches de l’île Sonnante, sans que Faustroll con-