(Il entre dans la maison. Falk et Svanhild se regardent timidement.)
.— tu es si pâle.
.— Et toi si immobile.
. — Oui.
. — Il a été le pis pour nous.
(comme à lui-même). — Il m’a enlevé ma force.
. — Comme il a frappé fort.
. — Il s’entendait à porter ses coups.
. — C’était comme si tout s’effondrait en un
instant. (Plus près de lui.) Comme nous étions riches, riches l’un par l’autre, lorsque le monde entier nous avait abandonnés, lorsque nos pensées montaient, comme contre le rivage, l’écume des vagues brisées dans la nuit tranquille. Il y avait le courage des victoires dans nos âmes, et la confiance en l’amour éternel entre deux ; — il est venu avec les biens de la terre, il a pris notre foi, et implanté le doute, — et tout s’en est allé !
(avec violence). — Ôte cela de ton souvenir !
Tout ce qu’il a dit était vrai pour d’autres, mais un mensonge pour nous !
(hoche lentement la tête). — L’épi de blé
qu’un grêlon du doute a frappé ne pourra jamais plus s’agiter.
(anxieux, avec éclat). — Si, nous deux, Svanhild — !
. — Abandonne un espoir qui trompe ; si tu
sèmes le mensonge, tu moissonneras des larmes. Les autres, dis-tu ? Et ne crois-tu pas qu’un chacun a pensé comme toi et moi, qu’il était celui qui pourrait défier la foudre, qu’aucun orage de la terre ne pourrait abattre, que le brouillard aperçu au loin dans le ciel, sur les ailes de la tempête jamais ne pourrait atteindre !
. — Les autres se sont séparés vers différents
buts ; moi je ne veux que ton amour, et lui seulement. Vois, ils s’égosillent aux criailleries de la vie, je te soutiendrai tranquillement avec de fortes branches.
. — Mais si enfin lui-même disparaissait,
cet amour, qui devrait tout porter, — as-tu alors, ce qui fonde encore le bonheur ?
. — Non, avec mon amour tout tombe.
. — Et oses-tu saintement me promettre
devant Dieu que jamais, comme une fleur fanée, il ne se penchera, mais embaumera, comme aujourd’hui, et s’épanouira pour toute la vie ?
(après un court silence). — Il durera longtemps.