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SEPTEMBRE 1896

façon égale, avec des différences à coup sûr négligeables, en comparaison des idiosyncrasies et aptitudes à différemment comprendre, qu’il est impossible d’atténuer — qui d’ailleurs se neutralisent dans une foule en tant que troupeau, c’est-à-dire foule.

Par de lents hochements de haut en bas et bas en haut et librations latérales, l’acteur déplace les ombres sur toute la surface de son masque. Et l’expérience prouve que les six positions principales (et autant pour le profil, qui sont moins nettes) suffisent à toutes les expressions. Nous n’en donnons pas d’exemple, parce qu’elles varient selon l’essence première du masque, et que tous ceux qui ont su voir un Guignol ont pu les constater.

Comme ce sont des expressions simples, elles sont universelles. L’erreur grave de la pantomime actuelle est d’aboutir au langage mimé conventionnel, fatigant et incompréhensible. Exemple de cette convention : une ellipse verticale autour du visage avec la main et un baiser sur cette main pour dire la beauté suggérant l’amour. — Exemple de geste universel : la marionnette témoigne sa stupeur par un recul avec violence et choc du crâne contre la coulisse.

À travers tous ces accidents subsiste l’expression substantielle, et dans maintes scènes le plus beau est l’impassibilité du masque un, épandant les paroles hilarantes ou graves. Ceci n’est comparable qu’à la minéralité du squelette dissimulé sous les chairs animales, dont on a de tout temps reconnu la valeur tragi-comique.

Et il va sans dire qu’il faut que l’acteur ait une voix spéciale, qui est la voix du rôle, comme si la cavité de la bouche du masque ne pouvait émettre ue ce que dirait le masque, si les muscles de ses lèvres étaient souples. Et il vaut mieux qu’ils ne soient pas souples, et que le débit dans toute la pièce soit monotone.

Et nous avons dit aussi qu’il faudrait que l’acteur se fit le corps du rôle.