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Straamand. — Ne le dérange pas.

Falk

. — Il vient de la vallée du pays de la fable, à

deux mille lieues au-delà de stériles déserts ; — remplis la tasse, Lind ! Merci. Maintenant je vais faire, sur le thé et l’amour, un discours au thé. (Les hôtes se rapprochent.) Il vient du pays de la légende ; mais c’est bien aussi de là que vient l’amour. Seuls les fils du soleil ont su cultiver la plante, la soigner et l’élever. Il en est de même de l’amour. Il faut qu’une goutte du sang du soleil batte dans les veines de qui sentira en soi germer l’amour, pour qu’il puisse verdir, pousser, et s’épanouir en floraison.

Mlle Skære

. — Mais la Chine est un bien vieux pays,

on peut en conclure l’âge du thé —

Straamand. — C’était sûrement avant Tyr et Jérusalem.

Falk

. — Oui, il était déjà connu lorsque défunt

Mathusalem en était encore à feuilleter, assis sur son tabouret dans les livres d’images —

Mlle Skære

(triomphante). — Et l’essence de l’amour

est d’être jeune ! trouver là de la ressemblance sera malaisé.

Falk

. — Non, l’amour est aussi très vieux ; nous

acceptons cette doctrine avec autant de foi que les gens du Cap et de Rio ; — oui, depuis Naples jusque dans le nord à Brevig, il en est qui affirment qu’il est éternel ; — oh, il y a bien là quelque exagération, — mais vieux, il l’est, plus que l’on ne peut dire.

Mlle Skære

. — Mais l’amour et l’amour ne font

qu’un ; du thé il y en a du bon et du mauvais.

Mme Straamand. — Oui il y a beaucoup de qualités de thé.

Anna

. — Les pousses vertes du printemps d’abord —

Svanhild

— Celui-là est réservé aux filles du soleil.

Une jeune dame. — On en décrit une espèce, enivrante comme l’éther —

Une autre. — Avec l’odeur du lotus et un goût d’amande.

Guldstad

. — On ne le trouve jamais dans le commerce.

Falk

(qui pendant ce temps est descendu de la véranda).

— Ah, mesdames, chacun porte en soi un petit « céleste empire ». Là germent des milliers de petites pousses pareilles derrière la muraille de Chine en ruine de la timidité. Mais les petites poupées chinoises de l’imagination, assises à I’abri des kiosques, qui soupi