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Anna, confuse

— Oh, quelque chose que Lind s’imagine.

Lind

. — Ne dis pas cela ; j’ai le pressentiment qu’il

m’arrachera mon bonheur où et quand il pourra. Cet homme vient ici tous les jours, est riche et célibataire, il vous conduit partout ; bref, ma chérie, il y a mille choses dont je ne présage rien de bon.

Anna, avec un soupir

— Oh, c’est dommage ; il faisait

si bon aujourd’hui.

Falk, à Lind avec sympathie

— Ne laisse pas échapper

le bonheur pour une idée que tu te fais ; attends le plus possible avant de déployer ton drapeau.

Anna

. — Dieu ! Mlle Skære nous regarde ; taisez-vous !

(Elle et Lind s’éloignent de côtés différents.)

Falk, regarde Lind

— Le voilà qui va à la perte de

sa jeunesse.

Guldstad, qui pendant ce temps s’est tenu pris de l’escalier, causant avec Mme Halm et Mlle Skære, s’approche et lui frappe l’épaule

— Eh bien, vous voilà à composer

un poème ?

Falk

. — Non, un drame.

Guldstad

. — Ah, diable ; — je ne croyais pas que

vous vous adonniez à ce genre.

Falk

. — Non, il s’agit aussi d’un autre, un de mes

amis, un ami de nous deux ; un fameux auteur, vous pouvez me croire. Pensez, entre le dîner et le soir il a poussé une idylle à bout.

Guldstad, finement

— Et la conclusion est bonne !

Falk

. — Vous savez bien que le rideau tombe d’abord

— sur lui et elle. Mais ce n’est là qu’une partie de la trilogie ; après vient la grand peine de l’écrivain, quand la seconde, la comédie des fiançailles, arrive, long poème en cinq actes, et que le fil de la trame s’étend jusqu’au drame du mariage, troisième partie.

Guldstad, souriant

— On pourrait croire que le

don d’auteur est contagieux.

Falk

. — Vraiment ? Pourquoi cela ?

Guldstad

. — Je veux dire seulement que moi aussi

je me mets à composer un poème, — (mystérieusement) un poème vrai, — entre autres défauts.

Falk

. — Et qui est le héros, si j’ose le demander ?

Guldstad

. — Je le dirai demain, — pas avant.

Falk

. — C’est vous-même !

Guldstad

. — Croyez-vous que ce rôle me convienne ?

Falk

. — Un meilleur héros n’est sûrement pas possible.

Mais maintenant l’héroïne ? Il faut sûrement aller la chercher à l’air libre de la campagne, et non dans la fumée de la ville ?

Guldstad, le menaçant du doigt

— Chut, voilà le

nœud et il faut attendre ! — (Il change brusquement de ton) Dites-moi, que pensez-vous de Mlle Halm ?

Falk

. — Oh, vous la connaissez bien mieux que moi ;