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intenant je suis en train. Voyez-vous, Monsieur Falk, — il passait, quand il était candidat, pour un des meilleurs jeunes gens de la capitale, s’entendait à la critique et aux modes nouvelles —

Mme Halm

— Et jouait la comédie de salon.

Mlle Skære

— Oui, attendez ! il faisait de la musique, peignait —

Mme Halm

— Oh, vous souvenez-vous, quelles jolies histoires il racontait.

Mlle Skære

— Laissez-moi le temps ; je sais bien tout cela. Il écrivait et composait même de la musique, si bien — qu’il trouva un éditeur ; cela s’appelait « Sept sonates à ma Manon ». Ô Dieu, qu’il les chantait bien sur la guitare !

Mme Halm

— Oui, c’est vrai, il était génial !

Guldstad, à mi-voix

— Hm, d’aucuns pensaient qu’il était fou.

Falk

— Un vieux malin, qui ne va pas chercher sa sagesse seulement dans les parchemins moisis, a dit que l’amour fait les Pétrarques aussi facilement que le bétail et la paresse, les patriarches. Mais qui était Manon ?

Mlle Skære

— Manon ? C’était elle, son aimée, dont vous allez bientôt faire la connaissance. Elle était la fille d’une compagnie —

Guldstad

— Une société de bois.

Mlle Skære, rapidement

— Oui, monsieur doit le savoir.

Guldstad

— Car ils faisaient dans les cargaisons hollandaises.

Mlle Skære

— Ceci appartient au côté trivial.

Falk

— Une compagnie ?

Mlle Skære

— Qui était très riche. Vous pouvez penser si on lui faisait la cour ; il se présentait des prétendants de la meilleure sorte.

Mme Halm

— Et même parmi eux-un gentilhomme de la chambre.

Mlle Skære

— Mais Manon défendit intrépidement le droit de la femme. Elle avait rencontré Straamand au « Dramatique » : le voir et l’aimer ne firent qu’un.

Falk

— Et l’armée des prétendants dut se replier ?

Mme Halm

— Oui, est-ce assez romanesque !

Mlle Skære

— Et ajoutez un affreux vieux père qui se faisait détester de tout le monde ; je crois qu’il y avait aussi un tuteur pour encore augmenter leurs peines. Mais elle lui resta fidèle et lui à elle