tu as avancé, conquis le plus difficile, la promotion d’amoureux à fiancé.
— C’est pourtant singulier ! Je pourrais presque ressaisir la réalité de mon souvenir, actuellement (il se tourne vers Falk). Il y a sept ans, — croirais-tu cela, toi ? j’écrivais des vers tranquillement au bureau.
— Tu écrivais des vers — sur le pupitre [1] ?
— Non, sur la table.
— Silence, l’employé a la parole !
— Surtout dans la soirée, lorsque j’étais libre, je rédigeais des bandes entières de poésies longues, — jusqu’à deux ou trois grandes feuilles. Cela allait !
— Tu n’avais qu’un coup d’éperon à donner à la muse, elle prenait la course.
— Papier estampé ou non estampé, c’était tout un pour elle.
— Et la poésie coulait à flots ? Mais, dis-moi, comment as-tu forcé le temple ?
— Avec l’aide du levier de l’amour, ami ! En d’autres mots, c’était Mlle Skaere, ma fiancée, comme elle l’est devenue depuis, car à cette époque elle était —
— Purement, simplement ta chère.
— C’était un temps étrange ; j’oubliais mon droit ; je ne taillais plus ma plume, non, je l’écrasais, et quand elle déchirait le papier des minutes, c’était comme la mélodie de ce que j’écrivais ; — enfin j’expédiai ma lettre à — à elle —
— Dont tu es devenu le fiancé.
— Pense, le même jour arriva sa réponse ; demande accordée, — chose claire !
— Et toi, tu te sentis plus grand à ton pupitre ; tu avais tiré ton amour au sec [2].
— Naturellement.
— Et jamais plus tu n’as fait de poésie ?
— Non, je n’en ai jamais depuis éprouvé le besoin ; tout d’un coup ce fut comme si le filon eût été épuisé ; et quand j’essaye maintenant par hasard de