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SEPTEMBRE 1894

que j’aime mieux l’artiste qui, au lieu d’éternel abstrait offert, se contente d’accentuer — si peu — l’éternel âme versé du ciel et de la mémoire dans ces transparents corps de contingence. Tels les anges d’Albert Dürer expriment au cristal coulé le sang du botrus crucifié, et l’Imagerie l’heureuse bénédiction de l’arc-en-ciel foré par la lance aux toits des maisons.

Point de louanges pour Filiger, la meilleure étant pour lui celle des paysans qui, après l’admiration des Georgin : ou Notre-Dame des Ermites en sa baraque-salon drapassementée de toiles rouges — ou saint Claude crossé et mitré, marchant au-dessus des églises — ou le Christ aux évangélistes, fleuri parmi les palmiers — ou saint Blaise et saint Guérin, symétriques alexis des épizooties — et tous les Christs sur tous les fonds d’aurore, de crépuscule, d’air et de mer ou de crêpe, — disent : Ce que vous faites est encore plus beau. — (Tant pis pour qui ne sait d’Épinal que son cru fatras superficiel, non son unique, lorraine ou allemande, vérité et excellence.)

On connaît la Sainte couchée entre les pages, longues comme ses mains, de l’Idéalisme de M. de Gourmont, et les deux têtes, Christ et Vierge, enluminure du Latin Mystique. — Le Jugement dernier s’élabore, mais il faudrait presque qu’il ne fût point fini, car le prétexte sera lors mort de créer des faces d’anges ou de damnés, chevelues de flammes ou de rayons ; et nous n’aimerons plus, forcés au changement, l’image où Georgin couche la lame sonore de son verset sur la tête de mort en bois, sonnant à tous les champignons noirs subitement germés des dalles : Levez-vous, morts, et venez au Jugement. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’archecadre des croix ornementales, le bras de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion. L’encens de sa tête brûle sur la patène orfévrie de son nimbe, Déjà nous avons vu chez Le Barc de Boutteville aussi le profil d’adolescent, mystique et sensuel de son sang brun — la pure figure au trait, et l’eau-forte de Seguin, frondaison enluminée et translucide de nervures d’or. — Et des triptyques, des anges et des trinités plus belles et que l’on cèle.

Mentionnons pourtant deux de ces visions encore