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MERCVRE DE FRANCE

Menys (moi, je). Arg. mod. : Mezigue.
Feuille (poche) Arg. mod. : Fouille.
Jargon (argot). Arg. mod. : Jars.
Roe (justice). Arg. mod. : Roue. (Le juge d’instruction).

Si l’on a pu interpréter assez clairement les ballades argotiques de Villon, c’est que : 1° ces ballades ne sont pas entièrement de jargon ; 2° les pièces du procès des compagnons de la Coquille contiennent la traduction de plusieurs mots typiques ; 3° beaucoup de mots obscurs employés dans ces ballades se lisent en des textes relativement clairs, tels que le Mystère de saint Christoph ; enfin c’est que M. Pierre d’Alheim disposait d’une merveilleuse érudition et d’une incontestable sagacité.

Voici un spécimen de la traduction ; d’abord le texte (Ballade II. str. i) :

Coquillars, arvnans à Ruel,
Menys vous chante mieulx que caille,
Que n’y laissez et corps et pel,
Comme fit Colin de l’Escaille.
Devant la roe babiller,
Il babigna pour son salut.
Pas ne sçavoit oingnons peller,
Dont lamboureux luy rompt le suc.

Traduction de Pierre d’Alheim :

Coquillards, qui revenez à Ruel,
Je vous chante, mieux qu’une caille
De n’y pas laisser le corps et la peau,
Comme fit Colin de la Coquille.
Devant les juges, très babillard,
Il jabota pour son salut.
Mais comme il était peu persuasif,
Le bourreau lui rompit le crâne.

Traduction plus littérale que l’on pourrait tenter :

Coquillars revenant à Ruel,
Moi je vous chante mieux que caille
Que n’y laissiez et corps et pel,
Comme fit Colin de l’Escaille.
Devant les juges, babillard,
Il jabota pour son salut.
Pas ne savait oignons peler,
Dont le bourreau lui rompt le crâne.

Ces huit vers peuvent donner une idée de ce que sont les six ballades argotiques, attribuées à Villon, ou provenant, tout au moins, de son entourage : con-