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LA MUSIQUE ET LE SOUVENIR

Parmi les musiques, vagues gonflées, dans la nuit, — Sa figure adorable, — Lumineuse telle que la lumière heureuse — D’un songe en une solitude de joie — Sous le clair de lune, dans la nuit.

Musique, ô douces, ô palpitantes musiques, dans la nuit, — Son souvenir plane et se berce — Dans ma tête, comme un air de fête ; — La coupe de la musique s’emplit et déborde — Sous le vin que lui verse la mémoire, dans la nuit.

Sa figure, parmi les musiques, dans la nuit, — Sa figure est un refrain, — Une lumière qui chante avec les vagues de la lumière, — Un souvenir qui revient encore, encore, — Musique dans la musique, dans la nuit.



UNE ÉPITAPHE.

Je rêvai qu’une était morte en un pays étrange. — Loin de toute main accoutumée, — Et ils avaient cloué les planches au-dessus de sa face, — Les paysans de ce pays, — Et, émerveillés, ils avaient planté dans sa solitude — Un cyprès et un if. — Je vins et j’écrivis sur une croix de bois — (Un homme n’avait rien de mieux à faire) : — « Elle était plus belle que ton premier amour, — Cette dame qui dort sous les arbres », — Et je levai les yeux vers les douloureuses étoiles, là-haut — Et j’entendis passer les brises douloureuses.