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FÉVRIER 1891

point, où il avait vu se diriger le garde, et souligna : Oh ! i doit faire bon à Bargy, a cet heure. Le vieux Birette eut un sourire malin. Le cordicrreprit :

— Tout de même, on tire par là-bas. C’est ben sûr l'Duterrois, qu’ je vous vu passer à ce matin avec un autre. Un faible haussetnent d’épaules du braconnier notifia son indifférence sur ce point, et il emmena son fils. Ils suivirent, à gauche de la grande route, un étroit sentier qui courait au milieu des terres jusqu’aux bois de Bargy, dont la masse rouillée se détachait à l’horizon gris de cette journée d’hiver. Les bois de Campoint se tompaient dans l’éloignement, à droite de la route. Une légère bise soufflait,continue, cuisante aux oreilles ; des nuées de corbeaux tournoyaient en croassant par la campagne déserte, s’abattaient sur les sillons emblavés et parfois, d’un pommier indicateur de tenants, s’échappait dans un froufrou line volée de criquets piaillards.Les Birette, avant de pénétrer dans le bois, examinèrent des collets sur une bande de terrain en jachère qui le margeait, et ils levèrent un lapin. Le gars le fourra entre la chemise et la peau, sur son estomac. Mais ils aperçurent, très loin sur la route, deux gendarmes à cheval revenant d’une tournée qw' ils s’éclipsèrent derrière les arbres, et le vieux ricana, les désignant, d’un hochement de tête . J’ose ben fait d’sortir à ce tantôt : j’ serons tranquilles jusqu’à çe soir.Il apprêta son pistolet et l’insinua tout armé sous sa blouse, puis ils commencèrent leur battue, stationnant de place en place aux petits colliers de laiton retenus par un bout de bois planté dans le sol. Ils allaient déboucher dans le Rond-aux-Moines quand un lièvre, traversant la clairière, piqua droit sur eux. Birette ajusta sans hâte, laissa la bête approcher ; tira presque à bout portant. Le lièvre fit une culbute, retomba de tout son long, la tête criblée. Firmin son élan ça et rapporta la pièce. Le père souriait content de soi : Voila un beau ieuve. ah !voila un beau ieuve. Et ensemble ils admiraient la prise. Deux coups de fusil détonèrent de l’autre côté du Rond-aux-Moines. Les paysans se mirent à plat ventre dans le fourré. Deux chasseurs parurent dans la clairière ; Le vieux Birette, appuyé sur les paumes et la tête dressée, rapetissant les yeux pour mieux voir, les épiait à travers le lacis des branches, inquiet surtout de leur direction probable : ils s’assirent sur un gros tronc abattu. Il eut alors