Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FÉVRIER 1891 Comme d 'un vieil enfant près des pleurs encore Ses lèvres, on dirait, murmurent : Déjà ! « Déjà le soir ! et quoi ? ce n’est plus l’aurore !..." (Et c’est en vain que sur lui le temps neigea.) O mon Dieu, je ne suis qu’un simple poète, Sans volonté, sans responsabilité ; Tout chantait en moi le cœur, les sens, la tête, Et sans vouloir, et sans choisir, j’ai chanté ! à S’il me faut entrer dans la Forêt profonde

Sans doute ce sera pour chanter encor ? Je suis un élément dont les feux du monde
 Ont fait tour à toür et du plomb et de l’or. J’ai jeté aux vents des richesses peut-être : Eh bien ? Je suis né sous l’astre saturnien : Libre et nerveux ! —-Je n’ai pas subi de maître 	 Puisque certes jamais je ne fus le mien ! Je ne sais trop quelle route j’ai suivie,a Comme j’y suis entré ni comme on en sort,  Je ne sais pas ce que j’ai fait de ma vie .. Qu’est-ce que je pourrais faire de la mort ?

Charles Morice.