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MERCVRE DE FRANCE

gique, s’il se peut dire de l’âpre Satanisme se flagellant avec ses désirs et se crucifiant sur ses remords La Messe noire a fait place à des rites moins tragiques où la volupté ne se vomit plus en rugissant contre les divines Miséricordes, et seulement s’éréthise dans les affres de jouissances diaboliques encore, bien que le Diable ni ses suppots ne s’y suscitent plus avec de matérielles évidences. Ils demeurent diaboliques malgré tout,ces effrénements de la curiosité, par cela même qu’ils sont la soif et la faim du Péché, — la soif qui boit à tous les ciboires avec le tourment d’en relècher jusqu’aux lies, la faim qui voudrait rafler jusqu’aux miettes des tables dressées par la démence des sens. Leur diabolisme, pour résigner le reniement des Symboles et se circonscrire dans les perversions amoureuses n’en reste pas moins lié au primordial Satanisme par la joie périlleuse de transgresser les .Commandements et de rompre les sceaux que Eglise a mis sur le goût des délectations de la chair.C’est encore un délice de perdition, cet ineffable besoin de se faire mal à l’âme en fatiguant et torturant l’habitacle charnel où elle bat des ailes, où pendant les moments du péché, elle s’agite impuissante, comme le témoin muet des opprobres par lesquels on la répudie et on voudrait la casser aux barreaux de sa cage. Les âmes très chrétiennes surtout possèdent le sens des sombres blandices du avalement et de l’immolation, car ne risquent-elles pas, celles-là, le règne éternel pour un bref et exécrable délire, car chacune des titillations de la chair n’est-elle pas un coup de lance qui retentit au flanc divin ? Mais, même pour les autres, dénuées de la foi aux éternités, le voluptueux supplice s’attise d’une idée de sacrifice : c’est en tournant et retournant la chair sur les claies du plaisir qu’elles se sentent se recroqueviller et panteler, c’est en se fustigeant avec les lanières descoupables désirs qu’elles goûtent les joies éperdues et se délivrent en des