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MERCVRE DE FRANCE

et dont l’amour seul peut remplir

le grand cœur ténébreux.

Divinement élu four tes douleurs obscures.

Il a revêtu les princesses et les guerriers d’éclatantes si marres et de radieuses armures et leur a donné à chacun un geste et une attitude spéciale. Son œuvre cependant décèle une parfaite unité de conception de langue et de rhythme depuis le premier poème : Rêves et désirs, écrit en juillet 1884, jusqu’à cette suprême ébauche envers libres et assenants datée d’avril 1890 :

Le ciel, ce soir, est un rideau de fière pourpre Et d’or féroce et d’orageuses broderies. Ecoute ! au delà des champs on entend sourdre Je ne sais quel bruit de magiques cavaleries

jusqu’à la dernière pièce achevée : A Celle qui aima le Cloître, dont je veux détacher les strophes finales» plus significatives que toutes les louanges :

Tous les deux, nous avons trof longtemfs contemflé Les nuages en fuite et les roses du cloître ; Notre fuissant amour fourra durer et croître. Notre cœur restera divinement troublé. Peut-être exf ions-nous l’ivresse merveilleuse D’avoir rêvé jadis à des fays meilleurs ? Nous sommes les amants tristes farmi les fleurs Et même le bonheur ne te fait fas joyeuse.

Mikhaël fut doué d’une surprenante précocité, surtout, c’est rare, comme prosateur. A dix-neuf ans il écrivait des pages tout à fait charmantes par la franchise de la philosophie telles que Le Magasin de jouets, avec, déjà, de jolis bouts de phrases : « Ces belles Poupées, vêtues de velours et de fourrures et qui laissent traîner derrière elles une énamourante odeur d’iris » Dans Miracles, l’incroyance au divin est analysée avec une belle sûreté de main et d’intelligence ; presque partout, on sent un esprit maître de soi et qui tient à ne revêtir de la forme que des idées qui valent la forme. Spécialement l’attirent les légendes significatives et révélatrices d’un état d’âme hermétique : il aime la magie et le prodige, le créatures oppressées de mystère et qui ont « mal à la raison ». Le chef-d’œuvre des proses, c’est Armentaria, poème très pur, très clairement auréolé d’amour, fleur cueillie en quelque légendaire, qu’ il métallisé sans rompre une nervure, sans baser une pointe, sans troubler une nuance, flenr mystique et candide, flos admirabilis ! Il y a des lignes comme celle-ci ; Armentaria dit : « Soyons purs dans les ténèbres et allons au ciel silencieusement. » R. G.

Thaïs, par Anatolr Franc» (Caïman Lévy). M. A. France, ne le sait-on pas bien, est parmi les plus subtils et les plus délicats. Il serait, dans l’empire où régnerait M. Re