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MERCURE DE FRANCE

ne lui semble que cruel : elle n’en comprend ni les tempêtes ni l’intrépidité.


Lord Lyonnel :

« — Ah ! si, vêtu en histrion, je me fusse présenté à elle en débitant quelque grossière gravelure d’une voix impudente, en prenant une voix énergique (ou du moins qui lui eût semblé telle, selon la notion qu’elle se forme du « caractère ») — nul doute qu’elle n’eût raffolé moralement de votre serviteur. — « À la bonne heure, au moins, eut-elle pensé, voilà un homme !»

« En Allemagne, en écoutant Beethoven, elle disait : « Parlez-moi d’une jolie romance pu d’une valse chantée !… Maison ne peut même pas danser sur cette musique-là ! » etc. — Ces paroles ou leur équivalent, agrémentés du sourire convenu, tintinnabulaient toujours sur ses lèvres exquises, comme des grelots où l’âme d’un perroquet sonnerait perpétuellement. Je sens en elle la vague présence, en effet, de toutes sortes d’animaux, figurez-vous ! Elle me donne, de temps à autre, tantôt l’impression de la paonne étalant son fastueux éventail sur l’herbe d’un parc, tantôt d’une dorade ensommeillée à midi, à fleur d’eau, — que sais-je ? »


Chapitre. — Subtilités. — « Tenez, reprit Lord Lyonnel, le propre du vulgaire est, n’est-ce pas, de n’accorder aux nuances des paroles qu’une importance médiocre (son regard suffisant semble toujours signifier un perpétuel : « je sais ce que vous voulez dire !… je ne suis pas un imbécile !… je comprends tout sans phraséologie, etc. »), — et de se prononcer sur tout, de parti pris naturel, sans avoir rien écouté attentivement. — Or, les mots, étant des êtres animés, précis comme les nombres, éveillant tous une pensée différente, il s’en suit que le vulgaire épuise des siècles à ex-