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JANVIER 1893

DE LA VÉNALITÉ DE L’AMOUR

CHEZ LA FEMME

De tous les grands instincts, celui qui est désigné de ce nom l' amour est le moins tyrannique, le moins irrésistible, le moins important au fonctionnement de l’être, celui qui peut s’exercer avec le plus de liberté et de fantaisie. Tandis que respirer, manger, boire, dormir, se mouvojr, penser, exprimer, sont des besoins quotidiens, plusieurs de tous les instants et les quatre premiers essentiels à la vie, aimer est un besoin secondaire. On ne peut pas se représenter l’homme sans respiration, sans alimentation, sans sommeil ; on ne peut guère se le représenter sans mouvement, sans pensée, sans expression ; on peut se le représenter sans amour. Mais l’amour est de tous les instincts celui dont la satisfaction procure les plus vives jouissances : jouissances telles que celles, de se nourrir, de boire, de bouger, de penser, ne soutiennent pas la comparaison. Aussi a-t-il pris facilement la première place dans les préoccupations humaines. Attisant les facultés sensuelles de l’organisme en ce qu’elles ont de plus attrayant, il a réussi à tellement obséder l’âme qu’il est l’instigateur des plus absorbantes passions, et que, pour un grand nombre d’individus, il forme l’unique mobile et la raison même de l’existence.

Ce qui distingue l’amour de la plupart des autres instincts, c’est ceci : il faut être deux pour le satisfaire. L’amour, en effet, n’est pas autre chose que l’attraction qu’éprouvent les deux sexes d’un pour l’autre en vue des Voluptés concomitantes aux manœuvres de l’acte de la reproduction.

Il semblerait donc que, l’homme et la femme se trouvant en amour dans la condition de deux facteurs qui se sont réciproquement nécessaires, la mise en commun de leurs spécialités respectives dût s’opérer librement, au pair, et par la vertu même de leur mutuel désir. Mais il n’en est point ainsi.

La femme, qui, par une équitable logique, devrait échanger ses services contre ceux de l’homme, dont elle