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MERCVRE DE FRANCE

un soldat sa ferraille et, les sens gardés, rester, âme uniquement ? Telles que des pudeurs alarmées, les maisons se sont closes ; le ver-à-soie des cheminées se tarit parmi les tuiles. Des ombres chinoises, sur les rideaux, trahissent que les gens s’alitent : certaines images, couchées dans, le lointain Livre d’Heures, ressuscitent en là mémoire de ma main. D’un logis où s’ingénie une dot, par fines pluies d’arpéges, la Prière d’une Vierge s’épivarde : quelque demoiselle avec ses doigts fuselés apprivoisant la mâchoire, aux dents cariées de bémols, d’une tarasque moderne. Là-bas, hargneuse breloque du portail, un dogue expectore son catarrhe contre la charrette, flanquée d’une limousine blasphémante, qui se disloque en passant.

La Ténèbre communie.

C’est comme un jour d’été vu par desbesicles noires. Des obsèques où l’on se fiancerait. Si c’était qu’il neige des cheveux blancs d'on ne sait où ?

Si c’étaient, en maraude, des cygnes invisibles ou bien des âmes visibles presque ?

Si c’était une immense robe de veuve sur laquelle deux seins, fraîchement dé caressés, auraient pleuré un lait vain désormais ?

Si c’était que les morts font sécher les linceuls ? Ne pleut-il pas sur leur néant quand rarèfois l’étang de nos regrets déborde ?

Ces hypothèses écartèlent mon œil et mon crâne. Un bal d’araignées a donc lieu sur ma peau que, toute, elle frissonne ?

Sans doute cela vient de l’immobilité lugubre des peupliers encagoulés...

Oh ! là-haut du moulin décapité : puits céleste ces gestes orphelins qui s’élancent à la délivrance de leurs membres captifs en le donjon de mon Imagination !

Une peur d’enfant m’envahit soudain, allumant le désir de me réfugier dans des jupes de nourrice. Si j’ouvrais la bouche, on verrait mon cœur flamber peut-être. Voilà que les choses abandonnent leur ombre comme un manteau qui traîne... Ce taillis va-t-il pas dégobiller, le sale-bougre muet, d’avoir mis sa langue roide dans son poing ?