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JANVIER 1891

hélas ! à mon oreille clairvoyante, le gloussement borborygmeux du dindon en colère, parce qu’il est en colère!

« Cependant, s’ils ont une expression ? dit lord Lyonnel. « Oh ! c’est de la qualité du brillant de l’oeil dont vous me parlez, alors, c’est-à-dire d’un abîme ! s’écria Edison, et non de l’éclat ! C’est tout différent : ni sur terre, ni dans les yeux extérieurs, il n’v a point d’abîme comparable à celui-là ! Et la meilleure preuve, c’est que j’ai là, dans cette boîte, des yeux tellement beaux, tellement noyés, tellement splendides, qu’aucun être humain, j’ose le dire (et tout bon oculiste sera de cet avis), n’en a jamais possédé d’aussi admirables ! et sans la paillette de la vie, c’est comme si je n’avais rien ! « Ah ? dit lord Lyonnel.

Oui, dit Edison. Heureusement que j’ai l’étincelle de la vie, le feu de Prométnée, le fluide !

« Encore l’électricité !

« Toujours, dit Edison.

« Mais l’âme!

« L’âme ! vous avouez donc que vous y croyez, puisque vous constatez son absence ?

«J’y crois, dit lord Lyonnel, je suis né avec le sens de mon âme.

L’âme est une question de naissance, comme tout le reste. Cela ne se définit pas plus que le reste. Cela est, on le sent ou on ne le sent pas : voilà tout» Edison regarda lord Lyonnel sans parler, pendant quelques instants. « Tenez, vous êtes plus étrange que moi » murmura-t-il.

        (Variantes de la Seine d'Amour.)

« O prince des forces, du monde, ne me repousse pas, toi qui m’as appelée ! Eve inachevée, je te demande la vie ! Créateur, insuffle ta