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le forté-piano revient aussi en scène, et l’on découvre l’auteur de son envoi. Je me refuse au plaisir de rapporter la conversation de Knightley avec Emma lorsqu’il revient de Londres, c’est un des meilleurs endroits de l’ouvrage. Elle est toute entière résumée dans le passage suivant : Il trouve Emma agitée, abattue ; Franck est un monstre. Elle lui déclare qu’elle ne l’a jamais aimé ; Franck n’est pas si noir : Emma aime Knightley, s’il eut alors songé à Franck, il l’eut sans doute trouvé un assez brave garçon. Emma, toute entière à son bonheur, ne se souvient plus que Donwell n’appartiendra pas à son neveu Henri.

Si le cœur d’Emma n’est plus troublé, son esprit éprouve encore de grandes agitations ; il faut guérir Henriette de sa passion romanesque, et ce qui ne sera pas moins difficile, obtenir le consentement de M. Woodhouse. Bornons-nous à dire que Henriette, fille naturelle d’un simple marchand, perd à la vérité toutes ses idées de grandeur ; mais à la place de ces illusions, elle recouvre la paix du cœur, et trouve un excellent mari dans le fermier Martin. Quant à M. Woodhouse, qui est très-opposé en général au mariage, et sur-tout à celui de sa fille, un accident assez léger, qui, dans son caractère lui paraît plus redoutable que le mariage même, le porte, non seulement à consentir à celui de sa fille, mais même à le presser.

Dans la peinture comme dans les lettres il est plus d’un genre, et lorsque l’on réussit dans celui auquel on s’est livré, on a encore droit aux éloges. L’un n’achète que des tableaux d’histoire, tandis que l’autre ne forme sa galerie que de paysages. Il faut satisfaire tous les goûts. L’auteur d’Emma a bien tracé ses caractères ; ils ont une vérité frappante. Il les a conservés dans toutes les positions où il les place, et le dénouement, ainsi que je l’ai dit en commençant, est naturel, parce qu’il naît du caractère de M. Woodhouse. L’action marche avec lenteur dans la première moitié de l’ouvrage ; elle a de la rapidité dans la seconde, sans nuire aux développemens. Les Anglais aiment ces longues conversations dans lesquelles une idée reparaît sous diverses formes. Les dis-