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Emma à cette nouvelle examine l’état de son cœur, et est bientôt certaine que ce n’était pas pour elle-même qu’elle était inquiète, mais pour Franck. La résolution qu’elle a prise de ne se point marier est la même, elle ne veut pas que le pauvre jeune homme s’attache à elle trop fortement. Il vient de Londres passer quelques jours à Highbury ; le bal projeté se donne ; Henriette y reçoit une forte humiliation de la part d’Elton, qui refuse de danser avec elle. M. Knightley qui voit le chagrin de cette pauvre enfant, la prie à danser, et danse très-bien. Emma lui sait autant de gré de cette conduite, qu’elle conçoit un plus grand mépris pour celle d’Elton.

Le lendemain, elle reportait toutes ses pensées sur les divers personnages du bal, lorsqu’elle voit Franck donnant le bras à Henriette, qui est dans un état de saisissement effrayant, et qui à peine entrée s’évanouit. Lorsque par les soins d’Emma elle est revenue à elle-même, elle lui raconte que venant pour lui parler d’une grande affaire, elle a été attaquée par des Bohémiens qui lui ont demandé de l’argent, et voulaient lui prendre tout ce qu’elle en avait sur elle. M. Franck, qui repartait, a vu de loin cette scène, l’a délivrée des mains de ces brigands : sans lui elle ignore ce qu’elle serait devenue. Des Bohémiens en Angleterre ? dira-t-on. Il n’y a là rien qui étonne un Anglais ; ces gens y sont en grand nombre, et fort dangereux ; John Bull met cela au nombre de ses libertés, ainsi que les vols de grand chemin, les rixes populaires et le boxage : il ne veut pas de police. Emma ne doute pas que cet événement ne doive amener un résultat intéressant pour Henriette : elle arrange donc un mariage ; Franck est beau, Henriette charmante, aussi Emma compte bien ne pas négliger la pensée qui vient de se présenter. Henriette a aussi ses pensées à communiquer, et c’était dans ce dessein qu’elle se rendait à Hartfield lorsque les Bohémiens la rencontrèrent. L’insulte qu’Elton lui a faite l’a complétement guérie ; elle montre une collection de niaiseries soigneusement enveloppées, et qui toutes avaient appartenu à son vainqueur. L’amoureux paquet est jeté au feu malgré la suscription qu’elle y avait mise : Trésor très-précieux.