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réunit à un grand dîner toute la bonne société du pays ; Emma, Jeanne s’y trouvent, et le sujet de la conversation est l’arrivée d’un très-joli forté-piano, que Jeanne a reçu de Londres la veille ; l’auteur de ce joli présent garde l’incognito. Tous les soupçons se portent sur la famille Campbell, et ceux d’Emma en particulier sur Dixon. Emma seule occupe Franck. M. Knightley a aussi ses soins, et ils sont pour Jeanne ; il lui a envoyé sa voiture pour l’amener, et elle la reconduira. Mme Weston conclut de ces attentions multipliées, qu’un mariage entre Jeanne et lui pourrait bien avoir lieu. Cette idée déplaît beaucoup à Emma, par la raison que son neveu Henri, fils de M. Jean Knightley, se verrait privé de Donwell-Abbey par ce mariage. Mme Weston n’en persiste pas moins à croire la chose très-probable, et conclut que c’est lui, sans doute, qui a fait l’envoi du forté-piano. Au reste, Emma se sent le lendemain tourmentée par la supériorité de talens que Jeanne a montrée la veille dans le concert que M. Cole a donné, et de la vivacité que Franck a mis à les faire briller et à l’accompagner. Sa jalouse perspicacité lui a fait croire qu’il aime peut-être Jeanne, mais la conduite de Franck est propre à détruire ce léger soupçon ; toutes ses attentions sont pour Emma, qui le trouve aimable. Le jeune étourdi n’a pas le même bonheur avec M. Knightley qui le blâme sans cesse, et l’appelle assez fréquemment entre ses dents, jeune fat . Quand on a dansé, on désire danser encore. Il se prépare donc un nouveau bal, dont nous passerons tous les apprêts et les conversations qu’il amène (car Emma est un roman en conversation, et quand il y a des femmes le roman ne marche pas très-vite.) M. Knightley n’aime pas le bal, cependant, quand Emma l’en presse, il consent à s’y trouver. M. Elton reparaît sur la scène avec sa riche épouse, nous comprendrons tout ce qu’elle est, en nous rappelant certaines femmes puissantes il y a quelques années, qui savaient et possédaient tout ce que l’argent peut faire acquérir, et ce n’est ni le sens commun, ni les sciences, ni le bon ton. Voilà donc ce qu’est Mme Elton, jadis miss Hawkins, remplie de ridicules, sans qualités qui les com-