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mais Mlle Woodhouse s’en console, parce que du moins le fermier Martin ne règne plus sur le cœur de son amie. Cette consolation est une fausse combinaison de plus, Emma y est sujette.

Les nouvelles se succèdent rapidement, M. Weston annonce peu de jours après, que Franck arrive le lendemain à quatre heures du soir. Mais Franck est vif, et empressé d’arriver chez son père, il a hâté sa route et vient le jour même. Emma qui n’a pas oublié les quatre heures, est donc très-étonnée qu’à midi M. Weston lui présente, à Hartfield, l’aimable Franck. Les beautés du site, le caractère des habitans, tout est passé en revue dans cette visite. Franck se montre galant, spirituel et bon fils, porté d’inclination pour Mme Weston, sa belle-mère. La belle Jeanne a aussi son article, Franck en parle avec réserve en la plaignant de sa situation, et de l’état d’institutrice auquel elle se destine ; état pour lequel sa santé très-délicate ne paraît pas la rendre très-propre : il remarque sur-tout son extrême pâleur. La curieuse Emma entasse question sur question ; tantôt sur la famille Campbell, puis sur Dixon, leur gendre. Franck répond à tout en véritable jeune homme, dit beaucoup de mots et fort peu de choses, montre seulement une grande gaîté et une extrême envie de se marier. Emma conçoit de lui une fort bonne opinion, qui est ébranlée dès le lendemain. L’étourdi prend la poste, et fait trente-deux milles pour aller à Londres se faire couper les cheveux. Ce caprice de jeune homme déplaît fort à la raisonnable Emma, car elle l’est, quoique souvent elle raisonne tout de travers. Elle n’a pas été sans s’apercevoir que M. et Mme Weston désireraient beaucoup que Franck lui parût aimable, et si leurs cœurs étaient d’accord, le rang et la fortune sont parfaitement convenables ; il n’y aurait à vaincre que l’opposition de M. Woodhouse pour le mariage. M. Knightley n’est rien moins que l’admirateur de Franck, le voyage pour la coupe des cheveux ne trouve pas grâce devant lui ; il blâme, Emma le contredit ; ils se querellent, c’est assez leur usage.

M. Cole, riche bourgeois, qui demeure à Highbury,