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tres ; cette multitude d’hommes qui la compoſent, qu’un aſſemblage confus d’êtres déplacés, & déſunis qui s’entrechoqueroient conſtamment, & qui loin de nous faire apprécier le bonheur d’être venus au monde, nous feroient regarder le néant, tout affreux qu’il eſt, comme mille fois préférable à la vie : alors vous les voyez ces eſprits entichés de ces fauſſes maximes, revenir de leurs préjugés, avouer leur mépriſe, plier avec plaiſir ſous le joug de l’autorité des Loix, les aimer, les chérir, les reſpecter, & par l’aveu de leur erreur & de leur crime, préparer le chemin au triomphe de la vertu.

Ces exemples ſont des exemples de tous les âges ; ainſi la Thrace ne fut plus ſauvage, quand elle eut entendu la voix d’Orphée ; celle d’Amphion raſſembla les Thébains : c’eſt ce qui a donné lieu aux anciens Poëtes de feindre ingénieuſement que le fils d’Apollon attiroit à lui par les ſons harmonieux de ſa lyre, les rochers les plus durs & les animaux les moins dociles, pour nous apprendre que rien ne réſiſte aux charmes ſéduiſans de la Poëſie & de l’Éloquence ; que c’eſt à l’éclat de cette lumière, que les Peuples ont paſſé de la barbarie à la politeſſe, de la férocité cruelle à l’amour de la vertu.