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adoucir leurs mœurs ſauvages, leur donner pour ainſi dire un Être nouveau, & une ſeconde nature.

La lumière des Lettres pouvoit ſeule produire ces heureux changemens. Elle fait ſur les eſprits des impreſſions ſi fortes, que rien ne peut les effacer, elle grave dans les cœurs des maximes ſi ſûres & ſi ſatisfaiſantes, qu’elles lui ſervent de régle dans toutes les actions de la vie : elle donne enfin à toutes nos démarches une certaine politeſſe qui fait le plus doux lien de la Société.

Telle eſt la différence qu’il y a entre l’autorité des Loix & la lumière des Lettres : les unes réglent les actions du Citoyen, les autres dirigent les actions de l’homme. Celles là ſont établies, celles-ci nous ſont comme inſpirées. Les unes commandent à l’eſprit, les autres n’agiſſent que ſur les cœurs ; on plie par force ſous le joug des premieres, on obéit volontiers aux ſecondes, parce qu’on ne fait alors que céder à ſes propres mouvemens.

L’homme veut être libre dans quelque poſition qu’il ſe trouve : il ne veut devoir ſa perſuaſion qu’à lui-même. L’autorité des Loix bleſſe ſa liberté ; ce n’eſt qu’en paroiſſant la reſpecter qu’on le tourne, qu’on le méne, qu’on le fait rentrer dans