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tre odieux, qui ne reſpire que les homicides & qui les exécute, qui fait couler des larmes & qui s’y baigne, qui verſe le ſang & qui s’en nourrit : le duel ſous le maſque de la Bravoure, faiſoit autrefois impunément les plus triſtes ravages, & le portoit à des excès qui font l’opprobre de l’humanité.

Les Loix, par leur ſévérité, tentérent vainement d’étonner ce crime, de remettre la valeur dans un uſage légitime, & de ramener nos Gladiateurs à une ſage modération : mais elles éprouverent toujours leur impuiſſance. Comme elles ne ſont ces Loix, qu’une régle ſuperficielle qui dirige l’action ſans lui donner l’âme, un frein qui aſſujettit le dehors, ſans le conſentement de la volonté, elles ne firent que briſer les premiers flots de la colère, ôter pour un tems le glaive de la main, ſans déſarmer le cœur.

Il n’étoit réſervé qu’à la lumière des Lettres, dont l’Empire paiſible fonde l’autorité des loix ſur la douceur des mœurs, de produire ces effets ; ſon aſcendant ſur l’eſprit & ſur le cœur, eſt d’autant plus puiſſant, qu’il ſe fait moins ſentir. L’homme indocile ſe révolte toujours contre l’autorité des loix ; mais il ſe trouve agréablement forcé de ſe rendre aux charmes ſé-