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dre. Que le plaiſir d’aimer eſt différent, Roxane ! quelle douce ſympathie entre l’amour & nous ! on diroit que nos cœurs, quand ils aiment, ont trouvé leur véritable bonheur. J’ai ſenti des bornes à tous les autres plaiſirs, aucun ne m’a pénétré tout entier. Le fond de mon cœur leur a toujours été inacceſſible, ils l’ont toujours laiſſé ſolitaire. L’amour ſeul m’a rempli, lui ſeul a verſé dans mon âme des douceurs auſſi intariſſables que mes déſirs. Depuis que j’aime, je ne me reconnois plus moi-même, j’ai perdu cette fierté farouche qui me rendoit ſi formidable ; je me voyois ſeul au milieu des hommes ; l’humanité tremblante ne laiſſoit autour de moi que des eſclaves, & ne m’accordoit pas un cœur qui voulût s’aſſocier au mien ; j’étois comme exilé ſur le trône. Tout a changé, Roxane ; il ſemble que mon amour ait fait ma paix avec tous les cœurs, ils ſe rapprochent, ils me pardonnent ; c’est ainſi que je le ſens, enfin tout me paroît aimable, & je crois l’être devenu moi-même. Ah ! Roxane, ſi tel eſt mon ſort à préſent que j’aime : quel ſeroit-il donc ſi j’étais aimé.

Roxane.

Aimé, Seigneur ! eh comment ne le ſeriez-vous pas, vous qui dans l’âge le plus