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Scène III

Mahomet, Roxane


Roxane.

Je vous l’avouë, Seigneur, le diſcours d’Ibrahim m’effraye ; daignez m’inſtruire de ce qu’il oſe attendre.

Mahomet.

J’avois deſſein de vous le propoſer pour époux ; je viens de ſoumettre les chrétiens à mon Empire, j’en ai triomphé par les armes, mais tout vainqueur que j’en ſuis, je ne les regarde pas comme des ſujets, ce ne ſont encore que des ennemis vaincus, à qui ma victoire donne un tyran qu’ils craignent, & non pas un maître qu’ils reſpectent. Ils m’obéïſſent dans un effroi ſauvage qui a toujours inſpiré la révolte, & je voulois les raſſurer par l’honneur que j’aurois fait à Comnene ; il eſt, dit-on, d’un ſang qu’ils eſtiment, mais j’ai changé d’avis ſans m’écarter de mon projet. Non, ce n’eſt plus à lui, Roxane, qu’il faut que votre cœur s’accorde, & votre frere aujourd’hui vous le demande pour un autre.

Roxane.

Mon cœur ſe refuſoit à Ibrahim, mais ma main ſeroit à lui ſi vous l’ordonniez ; c’eſt vous dire que vous pouvez en diſpo-