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Irene.

La pitié qui me ſaiſit pour vous ; je ne ſçaurois me prêter à l’aviliſſement où Mahomet vous plonge, vous n’êtes point fait pour ſervir ſes amours, & mon indignation même vous refuſe la flétriſſure que vous me demandez.

Ibrahim.

De quel aviliſſement, de quel deshonneur eſt-il donc queſtion pour moi, Madame ? je ne dois ſentir ici que l’injure que vous me faites ; quand je vous apprens que le Sultan vous aime, je vous l’ai déja dit, c’eſt qu’il peut vous offrir ſa main, du moins je le crois, & c’eſt dans cet eſprit que je vous parle, je ne viens que pour vous conſoler.

Irene.

Me conſoler, moi, Comnene ? eh ! d’où mon cœur pourroit-il recevoir la moindre joye ? que peut-il déſormais arriver qui me regarde ? la déſolation de ma Patrie eſt-elle un ſonge ? mon pere & mon frere n’ont-ils pas péri ? les morts ſortent-ils du tombeau ? à quoi donc puis-je encore m’intéreſſer ſur la terre ? biens, honneurs, liberté, parens, amis, tout y a diſparu pour moi, tout y eſt étranger pour Irene.

Ibrahim.

Ce que vous avez de plus cher y reſte peut-être encore.