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ation, ſans eſperance d’en ſortir, entouré des ruines de notre Empire, dont il ne reſte plus que Conſtantinople qu’on aſſiége et qui va tomber à ſon tour ; je l’avoüe, Madame, j’ai ſuccombé, j’ai cédé aux offres du Sultan, je ſuis devenu Ibrahim, & vous me mépriſez. Je n’ai rien à vous répondre ; vous voici dans l’état où j’étois. Captive du Sultan comme moi, expoſée à des fers encore plus triſtes ; je ne parle point du péril d’une mort ſanglante ; dans le cas où vous êtes, nos pareils la demanderoient en grace, & l’on nous la refuſe ; nous ne pouvons la trouver que dans les langueurs de la ſervitude, & l’on ne nous fait expirer qu’en nous abandonnant au ſupplice de vivre. C’eſt à cette épreuve où je vous attends, Madame, elle a rebuté mon courage ; ſi le vôtre la ſoutient, vous aurez meilleure grace à me trouver mépriſable.

Irene.

Allez Ibrahim, ne travaillez point à m’épouvanter, vous avez quitté votre Dieu, ne ſoyez point ſon ennemi juſqu’à le pourſuivre dans les autres, ne lui enviez point les cœurs qu’il ſe réſerve ; pourquoi me tentez-vous ? pourquoi m’exagerer le péril ? votre crime vous fait-il haïr mon innocence ? je ne vous crois encore que coupa-