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MERCVRE DE FRANCE— 16*1-1gc9 tement, depuis la découverle de Fimprimerie. J’en ai parlé à M. l’abbé Picquenet, que je tiens pour un savant homme. Cette initiative lui a paru louable. M. Binet déclara que c’était là, en effet, une œuvre d’une haute importance. — J’ai aussi, continua M. de La Musardière, la passion des collections curieuses, mais je les montre seulement aux inti­ mes assez intelligentspour n’y voirquedesœuvres d’art. Je vais vous faire connaître mes gravures. Cela nous distraira de la politique. Elles ne sont point, comme vous le constaterez, pour être vues par des jeunes filles. M. de La Musardière poussa un petit rire aigu. Binet, œil allumé, sourit et attendit. Le comte ouvrit une armoire, d ’où il sortit un carton élé­ gant. — Comment trouvez-vous celle-ci ? dit-il, en tendant une planche à Binet. Elle représentait un faune musculeux; surses épaule» venait de sauter une dryade, qui lui fermait les yeux de ses mains blanches, et lui enserrait le cou dans l’étau de ses cuisses ner­ veuses. Le faune se débattait en riant, et dardait vers elle une virilité énorme et agressive. Binet, très rouge, roulait des yeux congestionnés. Il affirma que « c’était fort drôle ». — N’est-ce pas? fit M. de La Musardière; j’admire surtout la précision des moindres détails. — Plus je regarde, déclara Binet, plus je constate combien c’est tout à-fait selon la nature. — On a beau dire, fit remarquer sentencieusement M- de La Musardière, la nature, voyez-vous, monsieur le maire, il n’y a encore que cela de vrai. — Il est certain,approuva Binet,qu’il faut toujours en reve­ nir à elle. — Eh bien ! cependant, malgré tout, ce dessin n’est pas immoral. — Non, s’écria Binet, parce que, n’est-ce pas, il relève de l’art. — Non point, monsieur, mais parce qu’il m’a coûté cinq cents francs. Binet ouvrit de grands yeux.