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MKRCVRK DK FRANCE— 16-1 -1909 CHAMFORT ET ALFRED DE VIGNY On a beaucoup regardé Alfred de Vigny, et de très près. De plus en plus, on dégage ses « composants ». On a défini, en la faisant peut-être un peu trop large, la part de Jansénisme qu’il contenait. ;On a examiné ses relations avec le xvm "siècle, celui de Sedaine, de Grétry et de Marie-Antoinelte. L ’étendue de sa detteenvers Delille, Millevoye, Lemercier, Chateaubriand, Milton et Byron a été précisée avec un tact exquis par M.Er­ nest Dupuy. Brunetière a signalé, en l’exagérant, l ’influence que Joseph de Maistre peut avoir exercée sur lui. D’où vient le pessimisme de Vigny? se demande M. Dnpuy. II vient d’abord de la nature douloureusement sensible du poète. 11 vient ensuite, comme chez La Rochefoucauld, d’une vue tout aristo­ cratique des choses. Il vient enfin, bien plus qu’on ne l’a dit, bien plus qu ’on ne semble aujo urd’hui le croire, de l ’influence pénétrante, indélébile de Byron. On peut ajouter à cette influence de Byron celle de Cham- fort, moins forte que celle du grand poêle anglais, mais bien plus visible et plus puissante, à mon gré, que celle de Maistre. Vigny, étant né à Loches en 1797, a pu prendre trèsjeune le contact de Chamfort. Dès l’an III, les œuvres de Chamfort, dans ce qu’elles contiennent d’essentiel, étaient éditées par Ginguené.Les compléments donnéspar Auguis, en i8a5, n’ont pas une importance extrême (1). Tout d’abord Vigny ne serait-ilpas, pour une des ses œuvres dramatiques, l’obligé indirect de Chamfort? Nous lisons dans le Journal d’un poêle : Je me rappelle en travaillant un trait fort beau que la princesse de Béthune me conta un soir. M. de X . .. savait fort bien que sa femme avait un amant. Mais les choses se passant avec décence, il se taisait. Un soir, il entre chez elle, ce qu’il ne faisait jamais depuis cinq ans. KHe s’étonne. Il lui dit : (1) Pour les rapprochements qui Tonl suivre,nous suivons l’édition de 1808.