qui, en moi, s’est faite chair et génie. Ma destinée veut que je
sois le premier honnête homme, elle veut que je me sache en
contradiction avec des milliers d’années… Je fus le premier à
découvrir la vérité, par le fait que je fus le premier à considérer
le mensonge comme un mensonge, à le sentir comme tel. Mon
génie se trouve dans mes narines. Je proteste comme jamais
il n’a été protesté, et pourtant je suis le contraire d’un esprit
négateur. Je suis un joyeux messager comme il n’y en eut
jamais, je connais des tâches qui sont d’une telle hauteur que
la notion en a fait défaut jusqu’à présent. Ce n’est que depuis
que je suis venu qu’il y a de nouveau des espoirs. Avec tout
cela je suis nécessairement aussi l’homme de la fatalité. Car,
quand la vérité entrera en lutte avec le mensonge millénaire,
nous aurons des ébranlements comme il n’y en eut jamais,
une convulsion de tremblements de terre, un déplacement de
montagnes et de vallées, tels que l’on n’en a jamais rêvé de
pareils. L’idée de politique sera alors complètement absorbée
par la lutte des esprits. Toutes les combinaisons de puis
sances de la vieille société auront sauté en l’air — elles sont
toutes appuyées sur le mensonge. Il y aura des guerres comme
il n’y en eut jamais sur la terre. C’est seulement à partir de
moi qu’il y a dans le monde une grande politique.
Veut-on la formule d’une pareille destinée qui se fait homme ? Elle se trouve dans mon Zarathoustra :
— Et celui qui veut être créateur dans le bien et dans le mal devra d’abord être destructeur et briser des valeurs.
Ainsi le suprême mal fait partie du suprême bien, mais le suprême bien est créateur.
Je suis de beaucoup l’homme le plus terrible qu’il y eut
jamais ; cela n’exclut pas que je devienne le plus bienfaisant.
Je connais la joie de détruire à un degré qui est conforme à
ma force de destruction. Dans les deux cas j’obéis à ma nature
dionysienne qui ne saurait séparer une action négative d’une
affirmation. Je suis le premier immoraliste. C’est ainsi que je
suis le destructeur par excellence.
On ne m’a pas demandé, on aurait dû me demander, ce que